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A propos de la queue de la comète

 

Cette exposition est marquée par la multiplicité des matériaux mis en œuvre: Peinture sur toile, montage papier à partir de photocopies, livres d’artiste, pièces en tissu, assemblage de vêtements usés, lavis sur drap cousus sur tapis ancien, collages.  Je la vis comme un finissage géant, d’où ce mot dans le titre : «  La queue ». La queue comme une fin. Un cortège de petites lumières accompagnant une comète. Un des livres d’artiste que je présente s’appelle « La queue de la comète », ce livre reprend des lavis à l’encre violette peints il y a plus de dix ans... Et plus généralement, j’ai fait feu de tous les matériaux qui m’entouraient dans mon atelier. 

Je conclus cette exposition avec une image d’un magnifique gréement appelé « Black Swann » qui a accompagné mon enfance comme un rêve lointain. Sa présence ici, évoque la possibilité d’un départ, d’un nouveau départ.

Dans mes dernières créations, Victoria est devenue une comète. Le propriétaire du Black Swann était son fils, le frère de ma grand-mère. Victoria est morte assassinée pendant la guerre. Garder cela en mémoire. « Heureux les oublieux » comme l’a écrit Nietzsche, certes l’oubli est nécessaire, mais la mémoire aussi. Curieux balancement, équilibre à trouver. Est-ce que je cesserai un jour d’évoquer ce point très sombre, celui de la shoah, pour ne dessiner que des rochers, ou bien des arbres ?

Il s’agit, tout en avançant dans la réalité du présent, oscillant entre amour déçu (livre d’artiste : « aimer voir sentir » … ) et amour naissant (pièces en textile : « le loup désir » … ) d’interroger la mémoire. Cela se fait malgré moi. Malgré moi car ce que je fais, ce que j’exprime, m’échappe. Et je ne cherche pas à résister. J’ai pu mettre  à exécution, dans la solitude du confinement ces projets-désirs reportés depuis si longtemps. Ainsi j’ai utilisé mes vieux vêtements usés que je gardais à cette fin depuis des années, et aussi ces gants si délicats de ma grand-mère, les rideaux en dentelle de Victoria sa mère, un tapis très usé lui ayant appartenu. J’ai aussi exploité tout ce qui ce qui provient de travaux précédents, qui n’avait pas été utilisé et j’ai tenté de donner vie à ces reliques. Ce qui anime « La queue de la comète » qui ne possède pas la cohérence de medium de l’exposition précédente « Des canevas pour le dire », et qui est pourtant dans une certaine mesure, dans son sillage, c’est une volonté de finir, de tout utiliser. Un finissage. Je pense à cette phrase de St Augustin qui m’accompagne ces derniers temps : « Faire le vide pour être comblé ». 

 

Véronique Durieux, octobre 2020

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