Véronique DURIEUX
plasticienne
Le tango et ma création artistique
La création artistique est solitaire.
La danse se partage, dans le groupe. En ce qui concerne le tango, au delà du partage du groupe, il y a le partage avec son partenaire. Il y a la relation à l’autre en premier lieu, qui passe avant la relation au groupe, même si le tango est une danse sociale. C’est cet aspect à la fois riche et problématique, pour moi tout du moins, qui m’a attirée dans cette danse.
En tant que femme, classiquement je suis guidée par un homme. Je dois l’écouter, écouter ce qu’il me propose. C’est un des aspects qui a mis ma liberté d’artiste à l’épreuve, mais aussi qui m’a fait du bien, quel plaisir d’être guidée le temps d’une danse alors que dans ma création je suis en prise avec une sorte de liberté. Et puis plus tard j’apprenais qu’un bon danseur laisse de l’espace à sa danseuse pour qu’elle s’exprime. Et, lorsqu’on atteint un certain niveau, la connexion est si forte que l’on ne sait plus qui guide l’autre. Il y a donc le fait d’être guidée qui m’a attirée.
Un autre aspect de mon attirance pour le tango est la recherche de cette connexion si belle à voir, lorsqu’elle existe. Connexion entre un homme et une femme qui marchent ensemble, qui dansent ensemble.
Dans mon parcours artistique, et de vie aussi, le tango, la recherche de connexion dans le tango arrive à un moment particulier. Celui d’une réconciliation. D’une réconciliation symbolisée, par une sculpture de terre qui porte ce nom : « La réconciliation ». Une des rares sculptures dont j’ai fait réaliser un tirage en bronze. Avant la réalisation de cette pièce, la femme était le plus souvent représentée, en montagne, en gisante, seule ou accompagnée d’un loup, une de mes expositions s’est appelée « Femme et loup ». La sculpture « La réconciliation » représente une femme et un loup qui semblent danser, une rose entre eux, cadeau du loup à la femme peut-être. Elle marque rétrospectivement un tournant dans ma création.
Je suis heureuse de pouvoir maintenant danser cette réconciliation dans la sublimation que représente la danse du tango. Cette danse présentée à l’enseigne des Oudin en est en quelque sorte la consécration. Je remercie Dominique Digeon pour son invitation. Peut-être que, dans le cadre de son exposition où le jeu d’échec occupe une place importante, danser le tango offre un contre-balancement. Le rapport de deux partenaires qui s’affrontent que l’on trouve dans le jeu d’échec que Dominique sublime par ses œuvres, est mis en résonnance avec le rapport de partenaires dont la connexion codifiée comme pour ce jeu, donne naissance à une danse d’harmonie.
Véronique Durieux
Juillet 2024
Photo : « La réconciliation » -Sculpture en bronze – h : 47 cm - 2004